"Erika, de l’engrainage à la confiance en soi" est le témoignage d’une adolescente qui revient sur un acte violent commis au collège sur un autre élève. Elle essaie de comprendre avec du recul ce qui a pu la pousser à commettre un acte aussi barbare envers un semblable. Il a été très difficile pour Erika de se revoir à un moment de sa vie douloureux où elle même dit « je ne me reconnais pas... J’ai du mal à y croire ...mais maintenant je peux me contrôler ». L’entretien montre que l’image qu’a tissé Erika de l’école est paradoxale. L’école est un lieu de rencontres, lieu censé tisser du lien mais c’était pour elle un lieu de solitude à l’intérieur duquel elle se sentait "enfermée". Ce sentiment d’enfermement, d’exclusion s’est manifesté à travers la violence. Une violence qui a été à l’époque sanctionnée par un séjour dans le parcours des exclus, un espace où elle devait travailler. Un lieu qui a mes yeux était finalement pour cette élève en décalage avec ses besoins. Ce dont elle avait besoin c’était un espace de parole. Ses quatre années au collège lui ont parues difficiles parce qu’elle avait besoin de « dialoguer, d’échanger pour se transformer ».
Son témoignage dévoile à quel point il est important de repenser l’école, de créer des espaces de parole. L’espace de parole auquel me fait penser cet entretien est un espace qui ne nie pas le vécu des enfants, un espace où la parole tisse les liens. Pour avancer vers cela, il faut essayer d’avoir une vision ouverte de l’école. Cela implique une prise de risques mais c’est en prenant des risques que l’on apprend à devenir un adulte écoutant et développer au sein de sa classe des espaces d’écoute, de parole et d’entraide. Croire en l’enfant lui permet de s’ouvrir au monde et modifie sa propre perception de lui-même. Les aider à monter un projet commun, à inventer, un espace où l’on oublie l’évaluation et les impacts négatifs que cela peut avoir sur les élèves qui manquent de confiance en eux, peut modifier une image de soi négative et dévalorisante. Comme le dit Erika, à travers la danse, l’écriture et le dialogue « je me suis découverte ».
Chaque enfant a en lui une créativité et l’un des rôle de l’adulte/professeur est de l’aider à faire sortir cette créativité trop souvent étouffée. Erika nous dit « être violent c’est quelque chose que l’on sait faire », c’est finalement une manière de montrer qu’ils existent, il faut alors leur lancer des défis pour leur montrer qu’ils sont capable de faire autre chose, d’exister autrement. Ce qui a permis à Erika de se transformer, c’est la rencontre avec des adules qui ont su l’écouter et la comprendre, son entraîneur qui lui a appris à gérer ses émotions négatives et peut-être un peu le regard de certains adultes à l’école qui au travers d’un projet ont ouvert la porte aux émotions afin de les aider à mieux se comprendre et comprendre l’autre.
Entretien de Karima Lebdiri, professeur d’anglais avec Erika, son ancienne élève. Extrait du Livre-DVD "Jusqu’aux rives du monde" Striana - Editions. Entretien réalisé par Philippe Troyon.